La Garonne et ses grandes villes : géohistoire et évolution des paysages fluviaux urbains garonnais

Philippe Valette, Maître de Conférences, Université de Toulouse Le Mirail, GEODE UMR 5602 CNRS.



  Dans la vallée de la Garonne, nous trouvons sur ses rives deux métropoles : Toulouse et Bordeaux, et une ville moyenne : Agen. Ces trois centres urbains entretiennent avec la Garonne des relations particulières et étroites qui peuvent être évoquées à travers la topographie, c'est-à-dire l'étude de l'origine de l'implantation de la ville sur les berges du fleuve. Cette origine constitue aujourd'hui le cœur du patrimoine historique et identitaire du centre urbain, qui est en relation directe avec le fleuve. Le rapport entre une ville et un fleuve peut également être évoqué à travers l'analyse des usages sociaux économiques des cours d'eau. La Garonne est une ressource qui est exploitée de diverses manières et qui se traduit par des relations sociétés/fleuve fluctuantes au cours de l'histoire. Enfin, les paysages fluviaux urbains garonnais peuvent être étudiés à travers l'apparition de préoccupations contemporaines, liées à la réhabilitation et à la mise en valeur du fleuve en ville, puisque les grandes villes garonnaises n'échappent pas à cette nouvelle réalité.

1- Les « origines » de l'implantation d'un noyau humain sur les berges de la Garonne

Quelles sont les raisons qui prédominent à l'installation d'un noyau humain sur un site plutôt que sur un autre ? Ce questionnement est ancien en géographie et il a suscité de nombreuses réflexions sur l'existence ou non d'un déterminisme géographique.

La Garonne comme limite et frontière

La Garonne a pendant longtemps servi de limite naturelle incontestable d'une rive à l'autre. Au Sud de la Garonne nous trouvons les pays de Gascogne et au Nord les pays de Guyenne. Le fleuve comme frontière naturelle s'explique par les obstacles techniques qu'imposait le franchissement de la Garonne.

« Comme toute frontière, le fleuve a inventé ses lieux de passage obligé, d'abord matérialisés par un gué ou par un simple bac, puis assez rapidement par un pont 1 ». Toulouse s'est développée sur une boucle de la Garonne, à proximité de deux gués, le premier au niveau du Bazacle et le second vers la Daurade. C'est également le cas pour Agen, où un gué permettait de traverser le fleuve garonnais au niveau de Lecussan. Ces gués sur la Garonne ont joué un rôle de lien d'une rive à l'autre, puisque la Garonne a été pendant très longtemps un fleuve sans ponts. La largeur du lit du fleuve, les dangers de la plaine inondable et la fréquence des crues ont découragé la construction de ponts. Tous les ponts en bois ou en pierre étaient fréquemment détruits par les crues de la Garonne. Pendant très longtemps le pont Neuf de Toulouse, construit entre 1541 et 1663 a été le seul pont sur le fleuve. La conséquence de cette absence de ponts s'est traduite longtemps par une dissymétrie des villes.


Le pont neuf à Toulouse (Philippe Valette)

Le pont neuf à Toulouse (Philippe Valette)

Le premier pont qui traverse la Garonne à Bordeaux (Philippe Valette)

Le premier pont qui traverse la Garonne à Bordeaux (Philippe Valette)

La plupart des villes de la vallée de la Garonne ne sont pas équilibrées de part et d'autres du fleuve, puisqu'elles se sont développées sur une rive. Toulouse, Castelsarrasain, Agen, Tonneins, Marmande se sont développés sur la rive droite. Mais ce n'est pas la règle absolue puisque Carbonne, Portet-sur-Garonne, Muret, Langon et Bordeaux, quant à elles, se sont développées sur la rive gauche tout en gardant cette asymétrie des berges.

La possibilité de traverser le fleuve, que ce soit par l'intermédiaire d'un gué ou d'un pont permet très vite le développement d'un bourg, où les routes d'une région viennent confluer. Ainsi, sur quelques points très précis de son cours, le fleuve n'est plus une frontière, au contraire, il devient un lieu d'échange et de commerce à l'origine de noyaux urbains. Si le franchissement est crucial pour l'établissement d'une ville, ce n'est pas le seul élément du site originel fluvial qui permet l'installation d'un noyau de population durable dans le temps.

S'adapter aux crues et inondations de la Garonne en ville

La ville de Bordeaux, sur la rive gauche du fleuve, était entourée de vastes zones de marais, au Nord comme au Sud, appelés les palus. « A l'origine, ce qui a incontestablement présidé à l'implantation, c'est l'existence de points d'appui peu élevés constitués par le bourrelet alluvial et quelques éminences comme le mont « judaïque » et le« mont » Puy-Paulin, restes d'une terrasse de graves, qui se situent à 10-12 mètres au-dessus du fleuve 2 ». Toulouse s'est également développée sur la terrasse alluviale de la rive droite. « Elle se trouvait ainsi à l'abri des inondations, qui jusqu'au XXe siècle, ont constamment menacé la rive gauche, nettement plus basse 3 ». La plupart des sites urbains de la vallée de la Garonne sont situés hors d'eau à l'abri sur les terrasses à l'endroit où la Garonne vient butter contre le talus (Tonneins, La Réole,…). Seule la ville d'Agen est implantée en zone inondable, le long du fleuve, position choisie par les romains pour bénéficier des avantages de la navigation fluviale.

Les avantages socio-économiques de l'implantation des villes à proximité de la Garonne

Les avantages initiaux de tous les sites urbains (gués, topographie,…) ont été accentués par les usages et le travail des hommes. L'eau fluviale est à la base de la naissance de nombreuses villes et son utilisation prend plusieurs formes. Elle est à la fois une« ressource naturelle mise à contribution pour l'alimentation, l'hygiène, les loisirs, l'industrie et les transports 4 ». La ville de Bordeaux s'est installée sur un site, certes à labri des inondations, mais surtout sur un site où l'on trouvait de bonnes ressources en eau potable grâce aux ruisseaux qui descendaient du plateau landais. De plus, le développement de la ville de Bordeaux doit beaucoup à son port tourné vers l'océan Atlantique. La ville de Toulouse, quant à elle, doit une partie de sa richesse à la présence de nombreux moulins qui utilisaient la force hydraulique du fleuve et à son positionnement entre les Pyrénées, l'Atlantique et la Méditerranée.

Le gué du Bazacle à Toulouse (Philippe Valette)

Le gué du Bazacle à Toulouse (Philippe Valette)

Si le site d'installation d'un noyau urbain est commandé par plusieurs faits géographiques, ils ne sont pas suffisants pour expliquer l'épanouissement d'une ville. On peut parler tout au plus d'aptitudes géographiques, en excluant tout déterminisme. En effet, il ne suffit pas d'un estuaire, ni d'un confluent pour engendrer une ville puissante et, à l'inverse des cités ont grandi et survécu en dépit de l'insécurité provoquée par les débordements du fleuve, c'est le cas d'Agen par exemple. D'autre part, au niveau de la vallée de la Garonne, plusieurs sites favorables à l'installation d'un noyau de population n'ont pas débouché sur l'implantation et le développement d'une ville, comme au niveau de la confluence du Tarn et de la Garonne par exemple.

Si, les relations entre un fleuve et une ville sont contraignantes, par la présence d'inondations, elles sont aussi attractives, par l'intermédiaire de nombreuses ressources. Mais, ces relations sont également mouvantes, c'est à dire qu'elles évoluent au cours des âges de sorte qu'il est possible de reconstituer leur géohistoire.

2- Géohistoire et évolution des relations entre les villes garonnaises et leur fleuve

Une ville se développera et s'étendra, là où il existait au préalable un noyau humain qui devient progressivement urbain, faisant plus ou moins abstraction des conditions naturelles et imprimant des rapports entre les villes et le fleuve différents selon les époques. Il est donc possible de déterminer cinq périodes, au cours desquelles le rapport ville / Garonne est différent.

Le développement des villes sous l'influence romaine

Depuis l'Empire romain, première civilisation urbaine en Europe occidentale, si la hiérarchie urbaine a subi quelques distorsions et reclassements, la trame urbaine s'est étoffée mais n'a pas connu de rupture spatiale. Dès l'origine, Bordeaux est un petit port, à l'abri de la Garonne que les romains aménagent et protègent par un castrum. Les romains tireront de nombreux avantages de la situation de carrefour de la ville de Toulouse, en utilisant également l'axe garonnais comme artère de navigation. C'est ce qui a aussi prévalu à Agen puisque l'oppidum de l'Hermitage (164 mètres d'altitude) est abandonné à l'époque romaine au profit d'un site en zone inondable (45 mètres d'altitude), en bordure de la Garonne et des marais de la Masse5. D'ailleurs, un port antique a été localisé non loin de la confluence entre la Masse et la Garonne (rue du Fond Raché).

Sous l'influence romaine, la Garonne devient un axe de communication de première importance, rôle qu'elle gardera durant tout le Moyen Age.

La période médiévale : des villes soumises à la nature du fleuve

Les villes médiévales d'Agen, Bordeaux et Toulouse s'organisent et s'entourent de remparts. Bordeaux reste cantonné sur la rive gauche, Agen et Toulouse sur la rive droite. Sur les berges opposées se développent des quartiers aux activités indésirables, comme les hôpitaux, les léproseries, les abattoirs dans le quartier St Cyprien de Toulouse par exemple.

Les villes garonnaises du Moyen Age sont centrées sur le fleuve et la Garonne est le moteur de l'économie à travers la navigation. A Bordeaux, cette activité commerciale se situe hors des murs, puisque deux espaces urbains se distinguent : la ville entourée de remparts et toute une série de ports fluviaux spécialisés. A la fin du Moyen Age, l'activité commerciale est telle que les ports fluviaux s'étendent au nord de la cité médiévale. La cale autour du nouveau faubourg des Chartrons se spécialise dans l'exportation des produits du haut pays (blé, vin, pastel).

Durant cette période, une nouvelle économie préindustrielle, qui utilise la force hydraulique de l'eau (moulins, forges…) se met en place. Des moulins terriers sont construits au XIIème siècle comme à Toulouse (moulin du Château Narbonnais et moulin du Bazacle) et ils remplacent les moulins à nefs (moulins flottants). L'activité artisanale « puise ses ressources dans la rivière et qui tire son énergie du moulin hydraulique qui broie, foule, mélange ou bat le fer, tout cela à l'abri des remparts 6 ».

Si la ville garonnaise de cette période est tournée vers le fleuve, elle en subi fréquemment les conséquences. Les chroniques ont gardé en mémoire de nombreuses inondations catastrophiques, qui ont engendré de nombreuses victimes et détruit de nombreux bâtiments à Toulouse ou Agen. La longue litanie des crues et des inondations a incité les sociétés urbaines riveraines à lutter contre ces événements catastrophiques, et peu à peu, le fleuve « sauvage » va être domestiqué.

Aménager, contraindre la Garonne en ville (période moderne)

Les XVIIème et XVIIIème siècles correspondent à une époque charnière pour le rapport ville fleuve de la vallée de la Garonne, puisque à partir de 1682, le fleuve est relié à la mer Méditerranée par le canal du midi, ce qui renforce son activité batelière. Le souci permanent des ingénieurs des Ponts et Chaussées de cette époque est de favoriser la navigation fluviale, en luttant contre la nature du fleuve. La défense contre les eaux d'inondation a par ailleurs suscité quelques-uns des aménagements urbains les plus visibles, comme les quais ou les digues. Face, aux crues répétées d'un côté et au commerce grandissant de l'autre, les villes d'Agen, de Toulouse et de Bordeaux se transforment, à peu près à la même époque, du XVIII ème siècle jusque dans la première moitié du XIXème siècle. Tous les aménagements urbains de ce siècle répondent à un nouvel idéal qui se veut à la fois « beau et utile ». De cette manière, les boulevards, les promenades, les quais, les jardins mais aussi les places royales se multiplient en ville.

Les quais toulousains (Philippe Valette)

Les quais toulousains (Philippe Valette)

Jusqu'au début du XVIIIème siècle, Bordeaux est une ville fermée, entourée de remparts, et la place Louis XV (actuelle place de la Bourse), en 1755, vient ouvrir la ville sur le fleuve. Cette nouvelle place amorce une métamorphose de la ville de Bordeaux et la ville se dote aussi durant le XVIIIème siècle d'une longue façade sur les quais, de trois portes monumentales et d'un jardin public. Ce vaste mouvement de transformation de la ville s'étend de 1760 jusque vers 1850, faisant de Bordeaux une ville dite « classique », qui fait sa renommée aujourd'hui.

Durant la même période, Toulouse connaît le même phénomène. « Le XVIIIème siècle est vraiment celui des grands travaux d'aménagement et de protection de la ville contre la Garonne 7 ». Les quais construits à Toulouse ont une double fonction à la fois pour favoriser la navigation mais aussi pour canaliser les eaux de crues à l'intérieur du lit mineur. Ils sont situés de part et d'autre du fleuve de l'île de Tounis jusqu'au Bazacle. Aujourd'hui, cet alignement de quais et d'habitations est devenu un des paysages identitaires de la ville de Toulouse.

Des berges qui se vident progressivement (XIX ème - années 1990)

L'ère industrielle débute dans la première moitié du XIXème siècle et elle se matérialise par l'invention de la machine à vapeur, qui délaisse progressivement tous les anciens modes de communication et de commerce. La voie fluviale est abandonnée au profit de la voie de chemin de fer et le centre de gravité des villes se déplace des quais vers les gares. Les ports sont abandonnés, deviennent des lieux mal fréquentés et servent de parking à voiture à Toulouse et Agen. Bordeaux voit son activité portuaire migrer en aval de la ville. Son ancien port, parsemé d'hangars, est délaissé et ses bâtiments deviennent obsolètes à la fin du XXème siècle.

Le développement urbain commencé au XIXème siècle se poursuit durant tout le XXème siècle. Elle englobe les zones inondables et efface progressivement la dissymétrie des villes garonnaises. Toulouse est gonflée par de nouveaux faubourgs qui s'installent et multiplient, de toutes parts, la ville par cinq, y compris en rive gauche, pourtant complètement submergée par la crue de 1875 8. Au début du XXème siècle, certaines activités industrielles s'installent sur les berges de la Garonne en dehors et au sud de la ville. La poudrerie, la cartoucherie, la construction d'avions de combats, la fabrication d'engrais par l'Office National et Industriel de l'Azote (ONIA)… seront rattrapés et englobés par l'urbanisation galopante de la seconde moitié du XXème siècle. A Bordeaux, un important groupement de population s'est créé sur la rive droite, dans le faubourg de la Bastide, et ce quartier est uni à la ville depuis 1822 par le pont de pierre. Ce quartier voit le développement d'activités industrielles (métallurgie, chimie…). Sur l'autre rive, Bordeaux se développe en auréole autour de la ville ancienne. La ville d'Agen n'échappe pas à cette explosion urbaine puisque l'agglomération, aujourd'hui s'étend en zone inondable sur la rive droite (quartier Agen Sud) et sur la rive gauche (ville du Passage).

Le fleuve n'est plus l'élément du développement économique de la ville, il devient un élément qu'il faut maîtriser le mieux possible, grâce à l'utilisation du béton. Le développement de Toulouse a été rendu possible par de nombreux aménagements sur le fleuve garonnais pour limiter les désastres provoqués par les crues et les inondations. A la fin des années 1960, « le lit de la Garonne a été enfermé dans un système de digues en béton depuis les ponts d'Empalot, jusqu'au pont de Blagnac 9 ». A partir des années 1970, les berges de la Garonne à Agen sont bétonnées sur le front urbain, à la fois sur la rive droite et la rive gauche. Entre Bègles Bordeaux et Bordeaux, des voies sur berge sont aménagées à la fin du XXème siècle et viennent rompre la liaison historique entre la Garonne la ville.

Depuis quelques années, une prise de conscience collective a permis aux villes garonnaises de renouer des liens avec leur fleuve.

3- Le renouveau de la Garonne en ville : reconquête esthétique, culturelle et festive des berges

Aujourd'hui, le fleuve en ville devient un décor et il fait, de plus en plus, l'objet d'aménagements visant à améliorer l'aspect esthétique et paysager de ses berges. Les grandes villes comme Toulouse et Bordeaux, connaissent un vaste mouvement de réappropriation des espaces fluviaux urbains.

Un renouveau précoce à Toulouse et plus tardif à Bordeaux

Parmi les deux villes précédemment citées, Toulouse a été en avance sur les autres villes puisque des aménagements visant à valoriser la Garonne se sont développées dès les années 1990. Le premier signe d'une réconciliation entre la ville de Toulouse et la Garonne concerne l'éradication de la voiture sur les berges et les anciens ports au début des années 1990. Durant cette même période, la municipalité met en place un plan Garonne dont les objectifs sont la valorisation des paysages, la protection des équilibres naturels et la mise en place d'espaces verts. La mise en valeur du fleuve se matérialise par le développement de pôles de loisirs et de détente, la redécouverte de la nature en ville, mais aussi par la mise en valeur du patrimoine architectural et la reconversion d'édifices importants. Partout, des lieux de promenades sont aménagés sur les berges du fleuve (Henri-Martin, prairie des Filtres, Empalot, anciens abattoirs de la ville…). Au total, ce sont 16 ha de parcs et de promenades qui ont été aménagés sur les berges de la Garonne dans les années 1990. Cet aménagement d'espaces verts se double de la réhabilitation de certains édifices ou bâtiments abandonnés, qui redonnent un certain dynamisme aux berges du fleuve (galerie du château d'eau, théâtre Garonne, ancienne manufacture des Tabacs, espace Bazacle, musée d'art contemporain). Actuellement, un projet Garonne est en cours de définition et doit prendre en compte le fleuve du centre historique vers les communes périurbaines d'amont et d'aval.

A Bordeaux ce renouveau est un peu plus tardif. Pendant très longtemps, le port de Bordeaux est resté inaccessible aux promeneurs car situé derrière de hautes grilles. Il était également impossible de voir la Garonne puisque des hangars industriels étaient alignés sur plus de 4 kilomètres de berge. Le premier signe du renouveau du fleuve est la destruction des hautes grilles durant l'été 1996 et la démolition des hangars désaffectés à l'automne 1999. Durant la même période, en 1997, la mairie de Bordeaux lance un programme de ravalement des façades où 236 immeubles sont rénovés sur 2,5 kilomètres. « Près de 70 % d'entre eux ont retrouvé leur blondeur originelle ou sont en cours de rénovation 10 ». Depuis 1999, la ville de Bordeaux a réaménagé totalement l'espace laissé libre par les destructions précédentes. Les quais, entre les façades du XVIII e siècle et la Garonne, sont divisés en plusieurs lanières parallèles, où plusieurs usages trouvent leur place (élargissement des trottoirs, route, tramway et plateau voué aux loisirs).

Les quais à Bordeaux (Philippe Valette)

Les quais à Bordeaux (Philippe Valette)

Le fleuve est depuis quelques temps en plein renouveau à Bordeaux et les bordelais viennent nombreux se promener, contempler le nouvel espace fluvial ainsi créé en ville. Ce vaste mouvement de reconquête débouche par le classement d'une partie de la ville et notamment le port de la Lune au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco en juin 2007.

Ailleurs dans la vallée de la Garonne ce retour vers le fleuve n'est pas aussi net. Les villes moyennes comme Agen semblent être en retard par rapport à cette dynamique actuelle, même si on trouve une volonté de valoriser le fleuve. Depuis les années 1990, l'effort de l'agglomération d'Agen s'est concentré sur l'édification de digues, voies sur berges qui coupent la relation entre la ville et le fleuve. Néanmoins depuis quelques mois, cette voie sur berge est fermée à la circulation automobile le dimanche pour permettre aux promeneurs de reconquérir les berges. Faut-il voir là un nouveau rapport Agen / Garonne en train de naître ?

Des berges et un fleuve qui s'animent à nouveau

La volonté de renouer des liens entre urbains et la Garonne se traduit aussi par différentes activités festives autour du fleuve que se soit à Bordeaux, Toulouse ou Agen. La Garonne oubliée devient, de plus en plus, un lieu de convivialité. Depuis les années 1990, plusieurs journées festives réunissent de nombreuses personnes sur les berges de la Garonne.

A Toulouse, des spectacles en plein air s'organisent au port de la Daurade comme le festival Garona, qui réunit des artistes sur les berges de la Garonne. De la même manière, la fête du vin ou la fête du fleuve à Bordeaux se déroulent sur les anciens quais du fleuve. Le renouveau du fleuve se traduit aussi, le temps d'une journée, par la reconstitution de guinguettes sur les berges du fleuve. Toutes ces manifestations sont très ponctuelles dans le temps mais elles ont toutes un point commun : la Garonne. Ce type de festivités se développe, de plus en plus, depuis les années 1990, alors qu'elles étaient absentes auparavant. Elles témoignent d'un changement de mentalité par rapport au fleuve en ville et d'une envie de redécouvrir la Garonne.

Conclusion

Cette reconquête des berges en ville est un phénomène que l'on retrouve un peu partout en Europe. Londres, Séville, Lyon, Nantes,… ont valorisé leurs berges en ville. Ce vaste mouvement de mise en valeur des berges se traduit aussi par la multiplication d'espaces festifs le long des cours d'eau en ville (concert, feux d'artifice, festival, Paris plage…). Toutes ces opérations de reconquête visent une valorisation, une amélioration esthétique des paysages fluviaux urbains et une réappropriation culturelle.

On retrouve ce modèle d'aménagement et de valorisation des berges dans les grandes agglomérations de la vallée de la Garonne. Ce phénomène va-t-il se répandre sur les villes moyennes ? Si tel est le cas, la prochaine étape du rapport ville /fleuve serait alors une reconquête écologique, mais est-ce une réalité ou une utopie ?

  1. REGNIER PD., « Les capitales européennes et leurs fleuves », in DE ANDIA B., La Seine et Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2000, p 191.
  2. POUSSOU JP., « Bordeaux », in PINOL JL. (sous la direction de…), Atlas historique des villes de France, Hachette, 1996, pp 256-281.
  3. MARCONIS R., « Toulouse », in PINOL JL. (sous la direction de…), Atlas historique des villes de France, Hachette, 1996, pp 230-255.
  4. PELLETIER J., « Sur les relations de la ville et des cours d'eau », Revue de Géographie de Lyon, vol 65, 1990, pp 233-239.
  5. VALETTE P., Les paysages de la Garonne : les métamorphoses d'un fleuve (entre Toulouse et Castets-en-Dorthe), Thèse de Géographie, Université de Toulouse Le Mirail, 2002, pp 423-425.
  6. DUPUIS-TATE MF., FISCHESSER B., Rivières et paysage, Editions de La Martinière, 2003, p 51.
  7. FORTUNE M., Usages passés et écologie de la Garonne, Thèse d'écologie, Université de Paul Sabatier, Toulouse, 1988, 162 p.
  8. VALETTE P., « La société et le fleuve en Moyenne Garonne », in Le Festin, L'eau en Aquitaine, N° 35-36, 2000, pp 82-87.
  9. CENTRE URBAIN D'INITIATION A L'ENVIRONNEMENT DE TOULOUSE (CUEIT), La vie au bord des fleuves, 1993, 72 p.
  10. COURTOIS C,. « Les bordelais retrouvent leur fleuve », Le Monde, 16 mars 2000, p. 15.